CONTRE VENTS ET MARÉES NOUS DÉFENDONS L'AGRÉGATION

 
 
 
La lettre-pétition publiée sur le présent site a été adressée en date du 12 décembre 2013 à Monsieur Vincent PEILLON, Ministre de l'Éducation nationale, par cinq lauréats du concours de l'agrégation pour dénoncer un plan de refonte du concours externe de l'agrégation, pour dénoncer l'attaque lancée contre les statuts et contre les obligations réglementaires de service par la remise en cause des décrets de 1950 au titre de la réforme dite «du métier enseignant», pour dénoncer la territorialisation de l'éducation.

Après la présentation officielle devant le CTM du 27 mars 2014 du projet de décret correspondant à la réforme dite du « métier enseignant », une lettre de réitération a été adressée à Monsieur Benoît HAMON, Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, pour renouveler auprès de lui, en tous ses termes, la lettre-pétition adressée à son prédécesseur, et pour lui demander notamment, considérant l'urgence, de ne pas publier le nouveau décret « relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public local d'enseignement ».

La lettre-pétition du 12 décembre 2013 dont le texte suit reste donc entièrement d'actualité.

Sur ces questions d'importance majeure, en dépit de sa recherche laborieuse, auprès de structures syndicales ou associatives coopérantes, de propositions prétendues tour à tour concrètes, pragmatiques, constructives, c'est-à-dire de concessions supposées légitimer les réformes préparées, le Ministère a dû se contenter au CTM d'une seule et unique voix de majorité.

Les réformes considérées ne sont donc nullement inéluctables. Mais ces réformes, loin de ne constituer que des mesures limitées ou marginales, anéantiraient le concours de l'agrégation et les règles nationales actuellement en vigueur. Leur nocivité justifie une opposition radicale.
Les premiers signataires de cette lettre-pétition, et tous ceux qui les ont rejoints à cette heure, entendent manifester résolument leur refus de considérer comme irréversibles ou inéluctables des réformes dont ils contestent au contraire radicalement le bien-fondé.
Parce que l'agrégation est le modèle des concours nationaux, parce que l'agrégation est l'une des institutions fondatrices de la République, ils défendent les concours nationaux, les règles statutaires nationales, l'organisation nationale de l'Enseignement. Ils dénoncent tout projet qui, sous le prétexte d'une simple réforme de l'agrégation, en conserverait l'appellation mais en dénaturerait le contenu. Ils demandent le maintien intégral de la structure scientifique et disciplinaire de l'agrégation. Ils ne céderont pas.



Pierre BLAZEVIC

 


 

Le 12 décembre 2013

Monsieur Vincent PEILLON
Ministre de l'Éducation nationale
110 rue de Grenelle
75007 Paris


 
 

    Monsieur le Ministre,

    Alors que le Ministère de l'éducation nationale venait de fournir aux médias quelques indications sur une «feuille» concernant une éventuelle réforme du concours de l'agrégation, vous êtes personnellement intervenu devant la presse sur la refonte des métiers de l'enseignement ainsi que sur le «classement PISA» pour 2012 connu le 3 décembre 2013. Ce classement, vous avez considéré qu'il confortait la réforme complète de l'école, contenu et rythmes, introduite par la Loi de refondation de l'école de la République.

    Le 8 décembre 2013, à l'occasion de l'émission télévisée C/politique, vous avez défini votre ligne de conduite à l'égard du corps enseignant: «J'essaie, avez-vous déclaré, de dire aux uns et aux autres le respect que j'ai pour eux», «de les entraîner», d'«expliquer» et de «convaincre».

    Nous ne doutons pas de votre respect. Ce respect est réciproque.

    Mais nous croyons qu'un dialogue fructueux ne saurait se contenter ni d'expliquer unilatéralement ni de tenter de convaincre unilatéralement.

    C'est donc avec respect pour votre personne et pour votre fonction, que, comme lauréats du concours de l'agrégation, en activité dans l'enseignement secondaire et dans l'enseignement supérieur, et aussi à la retraite, nous vous disons franchement pourquoi les indications apportées ne sauraient suffire à nous rassurer, et cela justement parce que nous partageons votre souci de transparence, de justice et d'équité.

    Le fait que nous n'abordions pas dans la présente lettre la question du changement que le Conseil supérieur des programmes a prévu d'apporter aux programmes scolaires en les remplaçant par des «curricula» ne signifie pas que nous approuvions cette entreprise. Nous voyons trop bien au contraire en quoi elle déroge à l'engagement républicain, car elle va encore détériorer la maîtrise des connaissances de fond et la capacité du futur citoyen de les organiser en une réflexion autonome.

 
Sur le concours de l'agrégation :

    Nous ne pouvons nous contenter des assurances fournies par le Ministère de l'éducation nationale au Mondedu 22 novembre 2013 selon lesquelles le plan de refonte de l'agrégation, ne constituant qu'un «document interne», issu de vos «Services» et non de votre «Cabinet», ne serait «pas d 'actualité». Outre que rien, si ce n'est une décision publique du Ministre, ne saurait empêcher ce qui n'est «pas d'actualité» de le devenir, nous nous interrogeons sur le degré d'autonomie des «Services» à l'égard du «Cabinet» et du Ministre lui-même. S'il devait se vérifier que des «Services» se sont investis d'une mission ignorée du «Cabinet» et du Ministre lui-même, nous ne pourrions comprendre que leur zèle importun ne fût pas désavoué.

    Nous ne pourrions en effet en aucun cas accepter, sous prétexte de professionnalisation, une minoration de la part des épreuves scientifiques organisées dans les différentes disciplines des différentes sections du concours de l'agrégation. C'est le haut niveau d'exigence scientifique et disciplinaire du concours de l'agrégation qui garantit la valeur de l'enseignement dispensé par les agrégés, et leur adaptabilité à des méthodes pédagogiques qui n'ont cessé de changer depuis des décennies. C'est la nature scientifique et disciplinaire des épreuves du concours de l'agrégation qui garantit la sûreté, l'impartialité et l'équité incomparables de la sélection opérée. C'est la nature scientifique et disciplinaire des épreuves du concours de l'agrégation qui fait de ce concours un concours véritablement ouvert, un concours qui recrute ses lauréats dans tous les milieux dont se compose la société, sans doute l'un des seuls concours parfaitement fidèles à l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui départage des candidats d'âges très divers, des étudiants, des normaliens, des professeurs certifiés issus du concours externe ou du concours interne, des fonctionnaires d'autres administrations, des militaires, des collaborateurs du secteur privé industriel et commercial, des citoyens français, des ressortissants des pays liés historiquement à la France, des ressortissants de l'Union européenne, ou leurs conjoints qui peuvent être nés dans le monde entier. Soucieux du maintien du caractère scientifique -et donc pédagogique- des épreuves du concours de l'agrégation, nous n'avons pour cette raison jamais pensé que l'instauration de l'épreuve dite «Agir en fonctionnaire de l'État et de façon éthique et responsable» fût une bonne décision, et nous nous sommes inquiétés, dès la publication du projet de la Loi de Refondation de l'École de la République, de l'insistance mise par le Rapport annexé sur la progressivité de la «professionnalisation» des futurs professeurs, car la mise en œuvre de cette doctrine ne peut aboutir qu'à la disparition des concours de recrutement véritablement ouverts, ces concours ne devenant, en pratique, accessibles qu'à des étudiants ayant au préalable suivi un cursus dit «professionnalisé», avec la conséquence, notamment, d'une grave diminution de la mixité sociale de leurs lauréats, et un isolement du corps enseignant dans l'ensemble du corps social.

    Nous vous demandons de nous rassurer. Nous souhaitons que vous nous garantissiez l'abandon de tout projet de réforme du concours de l'agrégation qui y diminuerait la part des épreuves scientifiques, le maintien intégral de sa forme de concours externe, ouvert, fondé exclusivement sur le contrôle de l'acquisition par les candidats de solides connaissances dans leur discipline, leur permettant d'instruire leurs élèves, concours donnant droit à l'attribution d'un poste par l'État à ses lauréats. Nous vous demandons d'accepter de remettre en cause la réforme du CAPES pratiquée à l'occasion de la création des ÉSPÉ. Nous vous demandons de remplacer l'épreuve «Agir en fonctionnaire de l'État et de façon éthique et responsable» par une épreuve scientifique portant sur une discipline d'enseignement.

 
Sur l'attaque lancée contre les statuts et contre les obligations réglementaires de service par la réforme dite «des métiers de l'enseignement» :

    Nous dénonçons l'opacité de la conduite de cette réforme. Nous nous étonnons que, contrairement à la transparence républicaine qui fut de règle lors de la préparation des décrets de 1950, ni le calendrier des rencontres organisées au nom du Ministre, ni la qualité des personnes ou des délégations qu'il a reçues ou fait recevoir, ni les contributions écrites qui lui ont été remises à titre d'observations ou de propositions par des personnalités ou des organisations n'aient été rendues publiques. Nous demandons que cette publicité, pourtant encore mise en œuvre à l'occasion de la consultation préparatoire à la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013, soit ici rétablie et que ces renseignements soient rendus publics.

    Nous soulignons en revanche la parfaite transparence républicaine que garantit la définition par voie réglementaire des statuts des différents corps de professeurs ainsi que de leurs obligations de service.

    Les statuts particuliers sont dans la République française la garantie indispensable de l'indépendance de la transmission du savoir à l'égard de toute pression. Ils sont donc accordés à chaque corps en fonction de la nature des services que ce corps doit rendre à l'enseignement, et ils doivent s'appliquer à chaque membre de ce corps. Nous ne pourrions accepter la remise en cause de l'unité du statut des agrégés, au prix pour eux, d’une perte de toute possibilité de mobilité.

    Nous approuvons en revanche la définition d'obligations de service distinctes selon les situations professionnelles susceptibles d'être occupées par les professeurs régis par le même statut.

    Étant donné que les décrets du 25 mai 1950 définissent les obligations de service des professeurs certifiés et agrégés en maxima hebdomadaires d’heures de cours dans la discipline, la «refonte» de ces décrets lance une agression contre l'ensemble des corps de l'enseignement du second degré.

    Nous dénonçons l'agression délibérée, lancée sous des prétextes fallacieux et démagogiques, contre la situation spécifique des professeurs des classes préparatoires.

    Nous n'accepterons aucune remise en cause d'aucune fraction de rémunération d'aucun des corps concernés par les décrets du 25 mai 1950.

    Nous remarquons qu'aucune proposition n'est faite pour améliorer les conditions d'exercice des professeurs agrégés en exercice dans l'enseignement supérieur, alors que, au printemps 2012, ils recevaient des marques de sollicitude de l'équipe de campagne de Monsieur le Président de la République, et alors que l'«autonomie» des établissements d'enseignement supérieur depuis les lois dites «loi Pécresse» et «loi Fioraso» a gravement détérioré leur situation administrative et financière. Nous demandons que les améliorations nécessaires de certaines situations, telles que celle des professeurs en exercice dans les Zones d’Éducation Prioritaire (ZEP), soient inscrites au budget de l'État, sans aucune détérioration de la situation matérielle des autres membres du corps enseignant.
 

Sur le classement PISA:

Vous avez, Monsieur le Ministre, choisi de recourir à une formule frappante, celle du «choc PISA» voire de l' «électrochoc PISA», qui nous semble relever davantage de la communication que de la discussion rationnelle. C'est pourtant celle-ci que nous attendons de vous, et qu'exige la juste appréciation des conclusions du rapport PISA.

Les conclusions du rapport PISA justifient-elles la poursuite de la mise en œuvre de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013, ou son abandon ?

Bien loin de nous satisfaire d'une réponse hâtive à cette question, nous demandons un examen patient des observations de première importance sur les acquis des élèves que contient le rapport PISA, et une discussion loyale de leur portée.

À notre connaissance, ce rapport se dispense de la seule comparaison qui eût permis de mesurer les conséquences de l'instauration en 2005 du «socle commun», puisqu'il eût fallu, pour s'en rendre compte, comparer les résultats des élèves qui avaient 15 ans en 2005, avec ceux des élèves qui ont eu 15 ans en 2012. De plus, il ne semble pas que le rapport PISA compare les résultats des élèves de 15 ans soumis à l'enseignement du «socle commun» avec ceux des élèves de 15 ans que leurs parents ont choisi de soustraire à l'école du socle, en étant de plus en plus nombreux à les confier à des établissements qui pratiquent un enseignement enrichi, de sorte que rien ne se révèle plus contraire à la constitution d'un savoir commun entre tous les élèves que le «socle commun».

Nous voyons d'ailleurs dans la publication, à l'échelon national, de programmes exigeants, définis discipline par discipline et bénéficiant d'horaires nationaux, une garantie de la transparence, de la justice et de l'équité qui sont dues à l'ensemble des élèves, et qui permettent d'espérer que chaque élève puisse se hisser au plus haut niveau de connaissances qu'il lui est possible d'atteindre.

Nous dénonçons pour cette raison la réforme des rythmes scolaires, dont le Rapport annexé à la loi de 2013 souligne qu'elle «doit agir comme un levier pour faire évoluer le fonctionnement de l'école autour d'un projet éducatif territorial», à telle enseigne, Monsieur le Ministre, que vous avez salué, depuis plusieurs mois, chaque dispositif imaginé par une municipalité comme «un projet éducatif de territoire».

Nous ne voulons pas de «projets éducatifs de territoires», nous voulons un projet éducatif national, réunissant, dans l'acquisition du savoir correspondant à des programmes nationaux, tous les élèves qui fréquentent l'école française.

Toutes les questions que nous venons d'aborder relèvent depuis très longtemps du plus haut niveau de l'État. Chacun se souvient que c'est par la volonté du Général de Gaulle, alors président de la République, que furent réestimés non seulement les traitements des corps de l'enseignement, mais encore les taux de rémunération des heures supplémentaires-année et des heures de suppléance, aussi bien pour les professeurs du second degré que pour les professeurs des classes préparatoires. Chacun a pu constater ensuite que Monsieur le Président de la République a tenu à donner à ces questions des éléments de réponse pendant sa campagne de 2012.

Nous sommes convaincus que la poursuite des réformes ci-dessus examinées n'aurait d'autre effet que d'aliéner irrémédiablement au premier magistrat de la République la confiance des milliers de professeurs concernés, ainsi que celle de leurs proches et de leurs élèves ou anciens élèves, étudiants ou anciens étudiants.

Nous vous remercions, Monsieur le Ministre, pour l'attention qui aura pu être accordée à ces explications.

    Nous vous présentons, Monsieur le Ministre, la pétition suivante.

 

PÉTITION


 
A.        Parce que le concours national de l'agrégation fondé sur les connaissances disciplinaires, fait partie des institutions fondatrices de la République, parce qu'il garantit la transmission du savoir dans des conditions qui assurent un égal accès des élèves à l'instruction dans tout le territoire national, nous vous demandons la garantie du maintien intégral, sans aucune minoration, des épreuves scientifiques du concours de l’agrégation, concours fondé exclusivement sur l’excellence disciplinaire, et qui doit continuer d'assurer à ses lauréats un poste attribué par l'État. Nous demandons l’abandon de tout projet de réforme de l’agrégation. Nous demandons la renonciation à la réforme 2013 du CAPES.

 
B.        Parce que les classes préparatoires aux grandes écoles dispensent un enseignement gratuit, dont l’équivalent coûte environ Outre-Atlantique vingt à trente mille euros annuels en droits d’inscription, et de plus un enseignement de très haut niveau assuré par des professeurs agrégés, dont le salaire, certes bien supérieur au SMIC, reste cependant assez modeste au regard de leur qualification et du travail fourni, ces classes sont un élément important de l’égalité républicaine. Elles donnent un droit égal à tous les élèves d’accéder à l’excellence. Le développement des bourses d'études permettrait aux étudiants des familles modestes d'y être encore mieux représentés. Porter atteinte à la situation matérielle et morale des professeurs de classes préparatoires, c’est, à travers le niveau d’instruction, participer à la destruction des forces vives de notre pays. Nous vous demandons le maintien intégral des rémunérations et des acquis des professeurs de classes préparatoires, la renonciation à toute atteinte à leurs «obligations réglementaires de service». Nous vous demandons le maintien intégral des décrets du 25 mai 1950, définissant les obligations de service des différents corps en maxima hebdomadaires d’heures d’enseignement dans la discipline, avec toutes les garanties actuelles en matière de décharges et d'heures spécifiques. Nous ne saurions accepter aucune baisse de la rémunération d'aucun membre du corps enseignant.

 
C.        Nous vous demandons que la réforme connue sous le nom d'«école du socle commun» soit remise en cause et que soit reconstituée, dès la classe de sixième, une progression correspondant à un enseignement de second degré. Nous vous demandons l’arrêt de l’application du décret dit des «rythmes scolaires», fauteur de désorganisation, et son abrogation. Nous vous demandons le retour immédiat, dans toutes les écoles maternelles et primaires, à l’école de la République, avec des programmes et des horaires identiques dans tout le territoire, assurés exclusivement par les instituteurs et les professeurs des écoles.

 



Premiers signataires:


Pierre BLAZEVIC, agrégé de Physique appliquée, professeur à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, directeur de l'ISTY
 
Anne-Elisabeth ANDRÉASSIAN, professeur agrégée d'Économie et Gestion à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne

François BONFILS, professeur agrégé d'Espagnol à l'Université Toulouse II
 
Jean-François GLOESS, agrégé de Mathématiques, professeur (H)

Geneviève ZEHRINGER, agrégée de Philosophie, professeur (H)

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